Des idées pour un 9 mars

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| 9 mars 2018

Hier, il n’était pas question de fleurs bleues et de lunettes roses. La Journée internationale des droits des femmes, faut-il le rappeler, met en avant la lutte pour les droits des femmes et une réduction des inégalités par rapport aux hommes. Dans la foulée de #metoo, cette édition du 8 mars 2018 devrait aussi faire réfléchir les spécialistes de la communication interne plus que jamais et susciter une réflexion profonde sur la gestion de crise et les communications internes.

Mouvement irréversible

Les scandales Weinstein et Rozon d’octobre dernier et les mouvements #metoo et #timesup redéfinissent totalement la notion de santé et sécurité au travail. De plus en plus de femmes ressentent maintenant le besoin de dénoncer les abus qu’elles ont subi et l’humiliation qu’elles endurent encore au boulot. Message à messieurs les chefs d’entreprise : #metoo ne va pas s’arrêter; il faut créer des lieux de travail sécuritaires et il faut se le dire.

Workplace Security

Le terme « workplace security » utilisé en ressources humaines jusqu’ici et dans le domaine de la gestion de crise est donc en pleine redéfinition. Et plus que jamais, les responsables des communications internes (et leurs consultants) devront avoir fait leurs devoirs à l’avance et avoir établi un dialogue intergénérationnel au sein de l’entreprise. On l’a vu l’automne dernier, des centaines, voire des milliers d’emplois peuvent péricliter à la suite des dérapages, parfois criminels, de dirigeants-abuseurs. Des entreprises parapubliques ou cotées en bourse pourraient aussi perdre toute valeur et toute crédibilité dans l’espace public à cause des agissements d’une seule personne.

Agissements d’un patron ou culture d’entreprise ?

En amont des abus et des drames, les responsables de la communication interne ont donc un rôle à jouer : celui de s’assurer que de bons outils de communication sont développés pour former les équipes face à cet enjeu de santé et sécurité au travail que constituent le harcèlement sexuel et les agressions physiques ou psychologiques. De nouvelles campagnes de communication sont nécessaires, pour toucher autant les nouvelles cohortes de travailleurs et de travailleuses, que les babyboomers et les membres de la génération X. Il faut sensibiliser les équipes sur la façon de se comporter au travail en 2018, mais aussi sur la façon de porter plainte, sur comment dénoncer les abus dont on est témoin et par rapport aux mécanismes que l’organisation a mis en place pour accueillir les témoignages en toute confiance. De notre point de vue, c’est là la grande force du mouvement #metoo : il oblige maintenant les organisations à se doter de protocoles crédibles et à les expliquer clairement. Quels sont les vôtres?

#metoo : quel est votre plan?

Le fait d’avoir adopté des protocoles clairs vient aussi appuyer l’organisation dans l’éventualité où une crise éclate. Si l’un des plus hauts dirigeants pose un geste irréparable, comme agresser sexuellement une subalterne ou humilier des collègues féminines, il faut pouvoir démontrer comment l’organisation s’est comportée face à la situation, comment on a accueilli une plainte, comment on l’a traitée, quels mécanismes objectifs et neutres étaient en place, comment on a protégé la victime face à l’intimidation.

Cellule de crise

Il n’est pas question ici d’implanter une culture interne de la justice populaire. Il s’agit plutôt de convaincre les dirigeants (mes clients, vos patrons), aujourd’hui même en ce 9 mars, de créer des cellules d’intervention à l’interne, si jamais un membre de la direction faisait l’objet d’une plainte. Cela demande peut-être une certaine forme de courage et d’abnégation de la part des patrons, mais la liquidation des entreprises d’Éric Salvail et de Gilbert Rozon devrait suffire à les convaincre de se soumettre à un processus d’évaluation interne. Peut-être même que l’exercice viendrait dissuader certains comportements au passage, le cas échéant. Message à messieurs les chefs d’entreprise, en rappel : #metoo ne va pas s’arrêter.

Quand la crise éclate

C’est donc dire que si un patron est accusé d’avoir commis des agressions, l’entreprise doit avoir la capacité de rebondir et se doter immédiatement d’une équipe de direction alternative, crédible et compétente, qui va continuer à faire rouler l’entreprise et donner suite à un éventuel processus de destitution permanent, aux mesures réparatrices pour la ou les victimes et/ou pour collaborer au processus d’enquête criminelle dans les cas les plus graves. S’il apparaît évident que le fautif devrait se retirer des affaires dans une telle éventualité, même s’il ne s’agit que d’allégations dans un premier temps, il ne faut pas non plus créer un tel vide à la tête de la pyramide qu’un empire perd toute sa valeur et est littéralement mis en liquidation ou taillé en pièces. Ceci n’aiderait la cause de personne. Et si, à la fin de la journée, c’est vraiment une vente de l’entreprise qui s’impose, elle se fera au moins de manière ordonnée et permettra de conserver les revenus des employés et d’éventuellement pouvoir rendre justice correctement aux victimes.

Normalement, les conseils d’administration ont la capacité de relever un dirigeant pour le bénéfice des actionnaires et pour préserver l’emploi de centaines de personnes innocentes. Dans le cas des entreprises entièrement privées, comme les PME, c’est plus compliqué et c’est là qu’il faut créer des structures d’intervention innovantes… et volontaires de la part des propriétaires. D’où l’importance de préparer ces choses-là à l’avance, comme dans tout bon plan de gestion des enjeux ou de contingence. Car désormais, il est tout aussi nécessaire de prévoir le scénario d’une dénonciation pour agression ou harcèlement sexuels que celui d’un bris important dans l’usine.